22/03/2007

fait tourner...

Article :

La décroissance ne fait pas bonne impression dans la majorité des organisations militantes en exercice. Pourtant, tout le monde s’accorde à dire que la crise environnementale et en particulier le réchauffement climatique nécessitera, à l’avenir, la maîtrise, et même la diminution de notre consommation d’énergie. Une division par 4 de nos émissions de gaz à effet de serre est imposée par le protocole de Kyoto, mais cet objectif doit êtret plus important pour les pays industrialisés. La question du mode de vie occidental est remise en cause par l’indice d’empreinte écologique qui démontre que 2 planètes sont nécessaires pour satisfaire les besoins en consommation d’un français moyen et 5 pour un américain. Devant cette logique insoutenable, les libéraux s’investissent, les socialistes se mobilisent, les communistes dénoncent, les écologistes redoublent d’audace et tous les acteurs professionnels se réunissent sous l’égide du développement durable.
Mais quel développement, quelle croissance !? Interpellent une poignée d’irréductibles. Les idées contraires à la croissance existent depuis les années 70, à la suite d’un rapport du Club de Rome, qui dénonce les méfaits du modèle productiviste industriel et son impact irréversible sur l’environnement. La croissance ne peut être infinie car nous vivons dans un monde fini. Voilà la principale maxime de la décroissance, qui se base sur les travaux de Nicolas Georgescu-Roegen, physicien et économiste, ayant construit son raisonnement sur le deuxième principe de la termodynamique, l’entropie, pour fonder sa théorie. Relayée depuis par un cercle d’initiés, l’idée de décroissance resurgie désormais avec consistance depuis un colloque organisé par l’unesco intitulé : « Défaire le développement, refaire le monde». En effet, il suffit de jeter un regard sur les rapports du PNUD pour constater que «l'écart entre riches et pauvres se creuse depuis le début du XIXième siècle: [...] la répartition du revenu mondial entre les pays montre que l'écart entre les pays les plus riches et ceux les plus pauvres qui était de 3 à 1 en 1820 passe de 72 à 1 en 1992» .

Pour les objecteurs de croissance, le développement durable est un oxymore . Le progrès technique et la recherche illimitée de richesses conduiront l’humanité à sa perte, en tout cas, pour les plus défavorisés. Si la déplétion pétrolière pointe son nez, phénomène décroissant incontestable, c’est peut-être une chance. « Que la crise s’aggrave », proclamait François Partant . Devant les nuisances de l’urbanisme, la précarité toujours plus menaçante, le conditionnement d’une vie chronométrée, le discours politique tombée en désuétude, certains ont décidé d’agir ici et maintenant, entrer en résistance, en adoptant les choix d’une « simplicité volontaire ». Cette posture s’oppose à la « servitude volontaire » qui contraint le salarié contemporain à vivre laborieusement, cloisonné dans son auto, derrière sa machine, à son bureau, son appartement, reproduisant un comportement consumériste sous l’influence du matraquage publicitaire.

La décroissance, n’est ni une idéologie, ni l’inverse de la croissance, ni même une sorte d’ascétisme réactionnaire. Mais plutôt un slogan, un « mot-obus » pour Paul Ariès , qui offre la possibilité de générer du débat au sein des traditionnels clivages droite/gauche, tous enclins à suivre religieusement cette voix unique qu’est la croissance, indispensable pour sortir l’humanité de l’impasse dans laquelle elle s’est fourée. Certains proposeront de doper la croissance, d’autres parlerons de qualité de la croissance, ou encore de croissance sélèctive. Et toujours, sous couvert du développement, en sacrifiant les plus pauvres.
Or, pour construire l’avenir, il faut penser dès aujourd’hui l’après-développement en décolonisant l’imaginaire, préconise Serge Latouche , qui analyse la mondialisation en dénonçant l’occidentalisation du monde, qui impose une culture internationale avilissante. Pour cela, il propose la base d’un programme fondé sur 8 R : Réevaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Réduire, Réutiliser, Recycler. Une approche qui évoque la nostalgie du passé, à la recherche d’une vie plus conviviale qui réclame un peu plus de liens contre moins de biens, devant la démesure d’un système qui accélère son processus de fuite en avant : Surconsommation, surproduction, suremballage, surrendettement, surpêche, …Mais tout reste à construire, à développer (sic). Notamment à travers le parti de la décroissance (PPLD), qui s’est créé récemment à Lyon. Chercher le terrain des urnes, c’est commencer à agir dès maintenant par le débat, notamment grâce à l’initiative de Chiche, et faire germer l’innovation, avec comme point d’honneur le repect de la démocratie et des valeurs humanistes, comme le rappel souvent Vincent Cheynet, soucieux de préserver les objecteurs des dérives sectaires et nationalistes.

Au sein même d’ATTAC, le débat est loin d’être clos. Jean-Marie Harribey, économiste, co-président de l’association, s’oppose à cette conception resurgente depuis quelques années. Il développe un contre-argumentaire détaillé qui s’attache à dévoyer la décroissance en privilégiant la régulation du secteur non-marchand . Il s’agit pour lui d’actualiser un alter-développement respectueux de la nature et de l’homme par la prédilection des valeurs d’usages désormais en proies aux valeurs marchandes.
Par ailleurs, Fabrice Flipo , membre du conseil scientifique, expert en questions d’écologie, plaide en faveur de la nécessité de sortir de l’économie, au sens où celle-ci devraient se subordonner aux contraintes environnementales, par la relocalisation de l’activité, la remise en cause du technodéterminisme et une prise en compte urgente et impérieuse des conséquences de notre mode de vie sur l’écosystème planètaire.

La décroissance mérite qu’on s’y interesse, car elle dépend de chacun d’entre nous. Vous pensez qu’un chinois ou un africain serait prêt à sacrifier son pouvoir d’achat ? Balançent ironiquement les détracteurs ? A nous de répondre qu’il s’agit désormais de poser la question de manière plus complexe. Quel africain, quel chinois, celui qui gagne des millions ou celui qui se fait exploité par un système productiviste de mise en concurrence ? Le discours de la décroissance s’évertue à dénoncer le fait que notre manière de vivre, désormais, dillapide gracieusement les acquis du passé et spécule dangereusement sur les promesses d’avenir.

1 Grains de sel:

harissa a dit…

je viens de finir pacalet qui en parle bien aussi...
j'ai déjà attaqué les 8 R depuis un moment, ça fait râler didouche, c'est pourtant amusant, il faut juste un peu d'imagination, être un peu inventif pour changer nos habitudes, je n'achète plus de fringues mais je troque, je ne fais de courses que quand on a vidé le frigo, je n'ai pas acheté d'appareil hifi vidéo ni d'électroménager depuis des années, je récupère ceux dont les autres ne veulent plus, quand je vais au magasin je n'achète qu'à manger, je ne jette plus rien, je transforme ou je donne, je marche pour balader et ne roule plus que pour aller bosser, et ma vie n'est pas moins belle, moins riche, il faudrait juste essayer pour en être convaincu. convaincue je suis. mais en parler est difficile, mes interlocuteurs ne sont pas réceptifs à mes arguments, je passe pour folle auprès de certains, je n'en connais que peu qui soient prêts à avoir une démarche dans ce sens, l'idée d'une décroissance est souvent assimilée à une régression, l'idée de la richesse n'est plus que dans ce que l'on possède de matériel...
je n'ai pas trouvé de meilleure alternative que celle de consommer moins pour être en accord avec le monde que j'imagine.
me défaire de mon chez moi pour y arriver ne me fait pas souffrir, j'ai trouvé du sens à la décroissance, un sens qui me va.