07/03/2007

entrave! aie...

Gérard Filoche : « la suppression du motif de licenciement est une attaque au cœur du CDI »

Pourquoi le CDI est-il si important ? Point de vue de Gérard Filoche, inspecteur du travail.

Le salariat n’a jamais été aussi puissant, numériquement et économiquement. Rien d’important, et de durable, ne se crée sans lui. Ainsi, le Code du travail, construit en cent vingt ans, est-il devenu un statut commun à seize millions de salariés. Huit millions d’employés et six millions d’ouvriers sont mêlés, cols blancs et cols bleus, il n’y a plus de différence. L’écart des salaires s’est resserré : la moyenne du salaire des cadres nest plus que de 2,3 fois celui de la moyenne des salaires des employés et des ouvriers.

Le CDI, même s’il est insuffisamment protecteur, est quand même le contrat de ceux qui n’ont que « leur force de travail à vendre », il est donc plus fondamental que jamais. La précarité monte. Elle ronge les bases du CDI, mais ne suffit pas à le faire disparaître. Il faut donc s’attaquer au CDI lui-même, ce que voulait le Medef et ce que fait Dominique de Villepin, tandis que Nicolas Sarkozy surenchérit. L’objectif : baisser le coût du travail, but permanent du capital. Logique donc que le CDI soit dans le collimateur.

Le CDI relève du Code du travail et des conventions collectives. Or, dans les dix dernières années, l’idéologie du patronat a évolué. Non seulement il est opposé à ce que les lois continuent d’instaurer un état de droit dans l’entreprise, mais il est opposé à ce que les conventions collectives le fassent. Il a opté pour la priorité au « contrat individualisé », de gré à gré entre l’employeur et le salarié, de façon à casser toute résistance juridique, toute organisation collective des salariés. D’où la loi scélérate de François Fillon du 4 mai 2004, qui inverse la hiérarchie des sources du droit du travail, et permet à des accords d’entreprise de déroger à des accords de branche, à des accords interprofessionnels, et même à des lois lorsqu’elles le permettent. Ainsi « l’ordre public social » se fissure, se morcèle, s’atomise.

Le salarié, un pion mobile

Au centre des contrats nouvelles et premières embauches (CNE et CPE), la suppression du « motif » de licenciement. Il s’agit d’une attaque au cœur du CDI. On fragilise le maintien dans l’emploi mais aussi la capacité à défendre son salaire et ses conditions de travail. On remplace cela par du baratin abstrait sur « la sécurité sociale professionnelle ». Une situation est créée qui vise à faire du salarié un « pion mobile » incapable de se lier à une entreprise, de s’y syndiquer, d’y défendre des droits élémentaires, donc de mieux y vendre sa force du travail. On oublie même, hélas, comme l’a fait la synthèse au congrès du Mans du Parti socialiste, de défendre un vrai droit protecteur face aux licenciements.

Le rôle des seniors

Lorsque Villepin crée le CPE, il a pour but de maintenir des vieux sur le marché du travail pour fragiliser les conditions de l’arrivée des jeunes sur ledit marché. Ainsi la loi sur l’égalité des chances propose des CDD de 18 mois renouvelés aux « seniors » de 57 à 60 ans. Ceux-ci n’auront pas le choix puisque la filière Unedic qui prévoyait 42 mois d’indemnités dans cette tranche d’âge-là a été supprimée en décembre 2005. Et pourquoi la contribution Delalande, qui freinait, en les taxant, les licenciements des seniors de plus de 50 ans, a-t-elle été supprimée ? Officiellement, il s’agit de faciliter l’embauche des « seniors » en permettant de les licencier eux aussi au moindre coût. Villepin autorise des « cumuls emploi retraite » jusque- là prohibés, et autorise des cumuls « retraite et temps partiels ». Il a repoussé la limité d’âge dans la fonction publique de 65 ans à 67 ans, en fait, il freine le départ massif en retraite des « baby-boomers » de 1945-1947 pour mieux imposer le chantage aux jeunes qui arriveraient, sinon, de façon triomphante sur le marché de l’emploi, réclamant de vrais CDI. En freinant le recul mécaniquement prévu, massif, conjoncturel du chômage, Villepin donne la priorité (contrairement à ce qu’il affiche) à la déréglementation du CDI, et de tout le droit du travail.

Les 3151 articles du Code du travail et les 9 livres qui le composent sont réécrits en 38 chapitres, à droits dégradés, sous pression du Medef : le « nouveau Code du travail » instaurera un droit de relations individuelles à la place d’un droit des relations collectives du travail.

1 Grains de sel:

harissa a dit…

ben dans ma mission locale, personne n'est descendu dans la rue, pourtant la mission de cette association c'est l'insertion durable des jeunes, ils auraient du commencer par se battre contre le CPE, non? puis continuer par s'insurger contre les entraves faites aux droits les plus primaires, non?... mais suis je bête, étaient trop occupés à se syndiquer des fois qu'ils réussissent tellement bien leur mission d'insertion qu'ils finissent par perdre leur emploi...trop occupés aussi à compter la misère dont ils vivent pour continuer de justifier leur existence, faisant ainsi ce que les politiques attendent d'eux... quand la précarité devient un moyen pour certains, qu'il faut faire durer, elle devient pour ceux qui la subissent, parce qu'elle dure et ne cesse d'enfler, une fatalité. qui se bat contre la fatalité?
je suis syndiquée depuis deux ans, par pour garder mon emploi puisque je démissionnais à l'instant où je payais mon premier timbre, mais juste pour batailler quelque part contre ce qui se trâmait. je les regarde mener leur petites guerres puériles, j'assiste à leurs querelles à la con, l'essentiel n'est jamais révélé, l'élémentaire jamais défendu, j'y crois moins du coup, j'ai un coup de mou... alors oui, aie!