11/10/2008

lu dans un vieil article de courrier international...

A en juger par leur comportement de ces derniers temps, les maisons de disques ont l'air
de penser que, pour assurer la survie de la civilisation, il faut terroriser des internautes adeptes des réseaux d'échange de musique en ligne. Traîner ses clients devant les tribunaux ne produit
pas un modèle de développement viable pour une entreprise, comme le confirme ce petit rappel historique. Jusqu'aux inventions de Thomas Edison, la plus grande part de l'activité culturelle
humaine n'était pas assimilée à une propriété intellectuelle. Au XIX siècle, le droit d'auteur américain, en tant que moyen de protéger les éditeurs sous prétexte de protéger les auteurs, ne concernait que les oeuvres imprimées. La révolution d'Edison a rendu possible, l'enregistrement de musique et d'images et du même coup l'application de la notion de "propriété" aux formes de
création incorporelles incarnées par les nouveaux supports physiques qu'étaient le disque phonographique et le film cinématographique. Mais la notion de "propriété" telle qu'elle
avait cours à l'ère d'Edison n'est plus valable à l'ère d'Internet. Car le consensus moral sur lequel reposait l'idée de propriété intellectuelle a volé en éclats, remettant à l'ordre du jour une ancienne critique formulée contre cette propriété. La qualité parfaite de la copie numérique et le coût nul de la distribution électronique obligent à se poser à nouveau la question suivante :
s'il est possible de fournir à tous les habitants de la planète un exemplaire de n'importe quelle oeuvre numérique esthétique ou utilitaire - à un prix équivalent à celui du premier exemplaire, en quoi est-ce moral de priver qui que ce soit de quoi que ce soit? Si nous pouvions multiplier les
pains et les poissons en appuyant sur un bouton, il serait immoral de faire payer la nourriture plus cher que ce que certains ont les moyens de débourser. Pour se maintenir en place, les intermédiaires cherchent à nous faire croire que, sans leur combat pour faire cesser l'échange
de fichiers, les artistes mourraient de faim. En réalité, les musiciens et autres artistes se portaient très bien avant qu'Edison ne transforme la culture en biens de consommation. Le public et les artistes n'ont plus besoin des intermédiaires. Ces derniers ont perdu leur raison
d'être, et ils cherchent à se maintenir par la force. Mais ça ne marchera pas.
Ils peuvent intenter un procès à quelques personnes de temps en temps, mais ils ne pourront pas attaquer en justice tout le monde en permanence.

Eben MogIen

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