06/01/2009

outre et outré ou trop...

LA LIBERTÉ DE LA PRESSE MENACÉE PAR LA DÉPÉNALISATION


L’affaire de l’arrestation du journaliste de « Libération » de Filippiset de la violence dont il a été victime est un signe de l’ambiance quirègne entre le peuple et les représentants d’un pouvoir censé pourtantêtre démocratique. D’autres témoignages s’accumulent, comme autant depièces d’un divorce entre les citoyens, leur justice et leur police.Celui de Marco Koskas, qu’il raconte dans un livre publié à la Tableronde en 2007, intitulé Avoue d’abord. Arrêté chez lui devant sesenfants sans qu’il sache pourquoi, il est jeté dans une cellule. À saquestion « Où sont les toilettes ? », il a obtenu la réponse
« Vous y êtes ». Il raconte : « Le troisième jour, […] on passe le cranau-dessus. On plonge dans l’infâme, […] dans le cauchemar éveillé : ilsm’enferment dans une cellule aux murs tapissés d’excréments […]. Commeil n’y a pas de papier hygiénique, j’en conclus que mes prédécesseursse sont torchés avec les mains. Puis ils ont étalé ça sur les murs,parce qu’on ne peut pas garder sa merde dans ses propres mains1. »Aujourd’hui, c’est acquis. Au moindre conflit avec la justice ou avecl’autorité, on dévale dans la fange. L’utilisation de la garde à vuecomme torture est dans nos mœurs. Il n’y a plus aucune modulation destraitements : que l’on soit un directeur de publication assigné pourdiffamation — nous le sommes tous un jour ou l’autre —, ou qu’on soitun grand criminel ou un jeune pris en train de fumer un joint, c’est lecachot, les insultes, la perte immédiate de toute dignité.
À toutes les questions posées par la société, le pouvoir ne semble plusque connaître une seule réponse : la violence, la garde à vue, laprison. Les prisons sont remplies à 130 % ? Qu’importe, on continue d’yenvoyer à tour de bras des citoyens qui n’ont rien à y faire, petitsdélinquants, contrevenants pour des délits mineurs, malades mentaux,infractions administratives… Les peines plancher, la politique pénaledu gouvernement, l’activité législative effrénée, les loisopportunistes élaborées à la suite de n’importe quel fait divers sonten train de transformer la France en pays néo-franquiste. Les relationsentre les citoyens et la police sont composées d’un mélange détonant depeur et d’agressivité. La chute des valeurs à la Bourse de New York estune rigolade, comparé à la chute de confiance des Français dans leurjustice.
Une démocratie doit être fière de son système judiciaire. Son respectdu droit, c’est le respect de ce qui la fonde. Or on a honte de notrejustice. On a honte de voir des gosses d’origine étrangère disparaîtredes écoles dans des paniers à salade. Honte à la lecture de tous lesrapports de toutes les commissions sur les prisons. Honte auxcondamnations de l’État français, chaque année, par la Cour européennedes droits de l’Homme, à cause des méthodes policières et desconditions de détention.
L’affaire de l’infirmière responsable de la mort d’un enfant de troisans n’est qu’un exemple de plus. Paniquée, effondrée, elle a reconnuson erreur immédiatement. À la douleur insurmontable des parents répondévidemment la tragédie intime avec laquelle, désormais, devra vivrecette femme qui avait pourtant choisi de soigner les malades del’hôpital public. Que sa faute soit sanctionnée d’une manière ou d’uneautre, à la mesure de ce que révélera l’enquête sur les circonstancesdu drame, personne n’en conteste le principe. Mais que signifiel’absurde et barbare garde à vue dont elle a fait l’objet ? Quel en estl’intérêt pour la justice ?
De quelle nature est cette maladie de la justice qui est en train deronger la colonne vertébrale de la démocratie française ? C’est simpleet tragique à la fois. La justice ne cherche plus à répondre auxquestions que pose le droit, mais aux demandes de l’émotion, del’opinion et des réactions médiatiques.
On dirait que le parquet prend ses décisions en fonction de la façondont il prévoit que réagiront les médias à telle ou telle affaire. Cespratiques judiciaires ne visent plus au respect des droits desjusticiables et du droit tout court, mais à rassasier ce qu’on supposeêtre l’appétit de vengeance, les peurs et les indignations del’opinion. Le législateur, qui a oublié que son rôle n’était pas deprésenter le journal télévisé, vote à tour de bras des lois pénalespour tout et n’importe quoi, au point que les juristes n’arrivent mêmeplus à suivre. La garde des Sceaux est devenue une machine à pondre deslois pénales. Au prochain éleveur qui glisse sur une bouse, elle feraune loi contre le cul des vaches. Les scandales judiciaires comme ceuxd’Outreau ne servent de leçon à personne. Une affaire recouvre l’autre.L’oubli remplace l’oubli. La violence de l’État semble s’exercer dansl’irresponsabilité la plus totale. La justice n’a plus les yeux bandés,mais le regard braqué sur les sondages, et elle se détermine enfonction des vociférations des éléments les plus crétins de l’opinion.Ce n’est plus la justice de la République, c’est la justice desvictimes récupérées par des médiocres qui croient ennoblir leur haineen s’en proclamant solidaires. Ce n’est plus la justice des droits del’Homme, c’est la justice des parts de marché. Ce n’est plus la justiceau nom du peuple français, c’est la justice au nom du journal deJean-Pierre Pernaut. Et ce sont les magistrats, infantilisés,déresponsabilisés par les peines plancher et paralysés par l’absencechronique de moyens qui sont à la fois les agents et les premièresvictimes d’un système dont l’enjeu n’a plus grand-chose à voir avec lesens même du mot justice…


Philippe val

voilà le dernier édito du néfaste...

et comme souvent le triste, s'il part d'un point de vue qui semble plein d'intérêt, finit par tirer de faits justes, des conclusions fausses...

pourquoi tout soudain cette haine méchante de la justice?.. il s'agit de savonner la pente pour que ça ne nous choque pas outre mesure...

nous préparer mentalement à voir s'écrouler le dernier pan de la justice capable de nous préserver (s'il se peut encore) d'une trop simpliste justice de classe...

exit les juges d'instructions, exit l'arbitre ultime (aussi ténu soit il, confiance en la police, dont les instructions et les conclusions sont toujours éclairées et indépendantes)...

valet, val est... et ça commence sérieusement à se sentir...

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