19/12/2008

en maréchal (val) hoche...

L’ANTIFASCISME EST UN RACISME


Si vous regardez bien le macadam devant la sortie de Charlie, rue de Turbigo, sous les mégots de ceux qui profitent du réchauffement climatique pour aller en griller une, vous observerez comme une petite ornière qui part en direction de la Seine. C’est l’ornière que nous avons creusée pour nous rendre au tribunal à force de convocations. La liste de ceux à qui nous avons déplu au point qu’ils nous ont assignés en justice est longue : le Medef, Charles Millon quand il nouait des accords en Rhône-Alpes avec le Front national, diverses sectes, Renaud Dutreil, une filiale de Vivendi Universal au temps de la gloire de Messier, Bruno Mégret et madame, l’armée, les innombrables procès de l’officine catholique d’extrême droite AGRIF (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne) et d’autres ratons laveurs… J’ai usé le banc des accusés, j’ai vu passer des présidents et des procureurs de toute sorte, j’ai la mémoire qui flanche, de quelle couleur étaient leurs yeux ? Étaient-ils verts, étaient-ils gris, étaient-ils vert-de-gris ?
Je repense à certains magistrats avec nostalgie, même quand il s’agit de ceux ou celles avec qui ça a chauffé parfois méchamment. Nos procès, à l’époque, ne faisaient guère de bruit médiatique. Mais, au fond, nous étions fiers d’être détestés par des gens que nous jugions détestables. Nous avons gagné la plupart de nos procès, établissant parfois une jurisprudence en faveur de la liberté de caricaturer et d’user de la satire.
Tout a changé lorsque, fidèles à notre vigilance, nous avons publié les fameuses caricatures de Mahomet. Contrairement à l’habitude, les passions se sont déchaînées. Nous, nous avions pourtant le sentiment de faire la même chose que d’habitude : réagir à une tentative d’intimidation contre la liberté d’expression et contre les principes d’une laïcité garante d’un vivre ensemble précieux pour tous, y compris, au bout du compte, pour ceux qui nous attaquaient.
Le procès des caricatures de Mahomet était tout à fait de même nature que ceux que nous intentait l’extrême droite catholique, via l’AGRIF, avec le même motif : « provocation à la haine et à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée ».
Mais, étrangement, alors que l’extrême droite catholique nous harcelait judiciairement dans l’indifférence générale, il faut remarquer qu’elle n’était pas non plus soutenue par grand monde. En revanche, les associations musulmanes, dont deux sur les trois — l’UOIF (Union des organisations islamiques de France) et la Ligue islamique mondiale — peuvent être taxées, au moins, de radicalisme, se sont trouvées suffisamment d’alliés pour qu’éclate le scandale médiatique. L’extrême droite et une partie de l’extrême gauche, après avoir courageusement défendu Dieudonné, Daniel Mermet sur France Inter, Pierre Marcelle dans Libération, Michel Onfray et quelques autres penseurs de haut vol, sont partis en croisade contre Charlie Hebdo, nouvel organe de l’islamophobie occidentalo-chrétienne. Depuis, les adversaires de ce genre se sont multipliés comme des petits lapins dont l’intelligence brillante et cultivée a discerné dans notre condamnation de l’antisémitisme notre ralliement au grand capital et à Sarkozy et notre trahison d’un socialisme dont ils ont le brevet exclusif.
Au bout du compte, l’affaire des caricatures a agi comme un révélateur de ce que nous sommes devenus : un brûlot anti-musulman à la solde du lobby judéo-chrétien. Et comme les juifs et les chrétiens sont riches et que les musulmans sont pauvres, on est contre les pauvres et pour les riches. CQFD. Comme quoi les petits lapins pensent encore plus vite qu’ils ne baisent.
Que nous soyons de toutes les luttes antiracistes n’y fait rien, ce n’est évidemment qu’un alibi derrière lequel nous cachons notre conversion à ce qu’il faut bien appeler l’extrême droite, n’ayons pas peur des mots. D’ailleurs, ma caricature en nazi par le génial Plantu n’est que l’expression talentueuse de cette pensée subtile.
Évidemment, on peut imaginer que, parfois, je ressente une certaine fatigue, voire une mélancolie passagère, mais je me dis que tout passe, tout lasse, et qu’au bout du compte on ne fait jamais que ce que l’on se sent obligé de faire. Oui, mais voilà. Alors que les rues s’illuminent gaiement pour fêter la naissance du petit Jésus, alors que les sapins s’habillent de leurs boules les plus aguichantes, vlan ! Voilà que dans les petits souliers que nous avions rangés devant la cheminée de Charlie pour qu’ils réceptionnent le don du ciel nous avons trouvé l’autre matin une nouvelle assignation. C’est donc dans le froid et la neige avec mes chaussures qui prennent l’eau que je vais misérablement reprendre le chemin qui va de la rue de Turbigo au palais de justice. L’AGRIF a décidé de revenir à la charge, jugeant qu’avec notre numéro sur la venue de Benoît XVI en France nous avions, une fois de plus, « provoqué à la discrimination, à la haine et à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée ». Une fois de plus, il va falloir expliquer que la critique de la religion est un droit démocratique, et qu’on ne peut l’assimiler à un racisme. Une fois de plus qu’il n’y a de blasphème que pour le croyant, et que la liberté d’expression comprend la liberté de critiquer les mythes, quels qu’ils soient…


PHILIPPE VAL


eh, philippe, juif c'est une religion?... ou autre chose...

alors critiquer démocratiquement les fondamentalistes juifs sans être taxés d'antisémitisme est donc possible?...

tu nous étonneras toujours, mon bon vieux philippe...


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